Dagmara Fijalkowski, cheffe, Titres mondiaux à revenu fixe et devises, RBC Gestion mondiale d’actifs Inc., nous fait part de son point de vue sur les répercussions possibles des récents événements géopolitiques sur les marchés obligataires mondiaux. De plus, Dan Mitchell, premier gestionnaire de portefeuille, RBC Gestion mondiale d’actifs Inc., présente les facteurs qui influent sur la faiblesse actuelle du dollar américain.
Durée : 5 minutes, 30 secondes
Transcription
Dagmara Fijalkowski - Quelle incidence les événements géopolitiques récents auront-ils sur les marchés obligataires mondiaux ?
Les taux ont déjà subi craintes et soulagement, car ils ont fléchi par rapport au sommet de 4,8 %. Les obligations canadiennes ont dégagé des rendements supérieurs, stimulées par un pessimisme indéfectible et par les menaces d’imposition de droits de douane. Les États-Unis et le Canada se sont tous deux très bien comportés par rapport aux obligations européennes et japonaises. La question est de savoir si les écarts de rendement se maintiendront. La rencontre entre les présidents Zelensky et Trump et le vice-président Vance dans le Bureau ovale a tout changé.
Le 28 février 2025 restera gravé dans les mémoires comme le jour où l’Europe s’est vu administrer une douche froide par les États-Unis, ce qui a motivé les membres de l’UE à faire fi de leurs contraintes budgétaires et à approuver des dépenses pour la défense. Les taux obligataires ont connu une journée de mouvement extrême, un bond de 30 points de base, la variation quotidienne la plus importante depuis 1990. Le marché boursier de l’Allemagne a très bien réagi, les deux marchés étant portés par des attentes de croissance.
Les taux obligataires qui se négocient toujours à 150 points de base en deçà des obligations du Trésor américain risquent d’augmenter davantage. Les perspectives des principaux marchés obligataires ont rarement été aussi variées. Le thème que nous avons envisagé a été le début de l’exceptionnalisme américain. Stimulé par la croissance, l’immigration et l’assouplissement budgétaire et l’IA, le thème est maintenant pris en compte dans les taux et la vigueur du dollar depuis quelques années.
L’optimisme entourant l’incidence des bonnes politiques de Trump, telles que la déréglementation, les baisses d’impôt ou l’amélioration de l’efficacité du gouvernement, a favorisé ce thème au cours des derniers mois, juste avant l’investiture. Puis, l’avalanche de décrets présidentiels a mis en lumière les mauvaises politiques, comme des droits de douane arbitraires ou des licenciements massifs de fonctionnaires. La bulle d’optimisme a éclaté et les doutes sur la croissance ont commencé à grandir.
En fait, l’exceptionnalisme américain est miné. Du côté des États-Unis, les révisions sont à la baisse et en hausse pour le reste du monde. Pourtant, les taux obligataires tiennent compte d’un environnement sans récession aux États-Unis au cours de la prochaine décennie. Nous croyons donc que les obligations du Trésor américain offrent une bonne valeur. Après tout, les prévisions de croissance sont trop élevées, les taux obligataires sont encore près des sommets atteints après la pandémie et l’inflation est beaucoup plus faible.
Dan Mitchell- Quels facteurs influent sur la faiblesse actuelle du dollar américain ?
Les marchés des changes ont vraiment évolué et sont maintenant beaucoup plus intéressants par rapport à la volatilité modérée et aux fourchettes de négociation serrées des deux dernières années. Dans la foulée des élections américaines, les marchés considéraient les droits de douane comme un facteur positif pour le dollar américain. Il s’est effectivement redressé lorsque les droits de douane ont été imposés pour la première fois au Canada et au Mexique au début de février.
Mais le report d’un mois de leur mise en œuvre, puis les décisions contraires de la Maison-Blanche qui se sont succédé ont nourri un sentiment de fatigue autour du thème du commerce ; la vigueur du dollar américain a donc été de très courte durée. Parallèlement, un certain nombre de nouveaux éléments se sont combinés pour peser sur le billet vert et annuler une partie de ses gains des derniers mois.
Le premier est la prise de conscience que l’économie américaine va probablement d’abord souffrir un peu des droits de douane et des suppressions de postes du gouvernement, avant qu’un effet positif ne soit ressenti de la déréglementation et des baisses d’impôt proposées par le président Trump. Cela a quelque peu incité les investisseurs à revoir leurs attentes à la baisse à l’égard de ce que l’on appelle le thème de l’exceptionnalisme américain, et à réévaluer s’ils devraient investir aussi massivement dans les actifs américains.
Un deuxième facteur connexe est qu’en raison du profil de croissance plus faible des États-Unis, les marchés s’attendent à plus de baisses de taux d’intérêt de la Réserve fédérale, et que le rendement en revenu plus faible diminue en fait l’attrait d’investir dans le dollar américain. Troisièmement, les gouvernements européens sont bien plus enclins maintenant à prendre des mesures de relance budgétaire, en particulier en ce qui concerne les dépenses pour la défense et les infrastructures.
Nous n’en savons pas beaucoup sur ces plans budgétaires, mais les négociateurs attendaient ce changement de ton avant de transférer un peu de capitaux en Europe, ce qui a eu des répercussions. Début mars, l’euro s’est apprécié d’environ 5 % à la suite de cette nouvelle. Ces trois grands facteurs ont donc incité les investisseurs à revoir leurs perspectives pour le dollar et à les faire passer de positives à négatives.
Par ailleurs, si le changement de régime s’avère durable pour les marchés des changes, nous pourrions constater une importante faiblesse du dollar américain au cours des prochaines années. Les marchés se concentreront sur les facteurs structurels négatifs du dollar américain que nous soulignons depuis de nombreux trimestres, notamment les déficits commerciaux et budgétaires importants, le thème à long terme de la dollarisation et la pondération en actifs américains déjà très forte des investisseurs mondiaux.
Et bien sûr, le fait que le dollar américain soit extrêmement survalorisé. À RBC Gestion mondiale d’actifs, nous anticipons d’autres baisses du dollar américain à partir de maintenant, et nous prévoyons des gains généralisés pour la plupart des devises des marchés émergents et développés.